Sur Internet, nous ne sommes pas plus libre qu’ailleurs…
Les apparences sont souvent trompeuses, on nous dit (par l’intermédiaire des médias) que nous sommes en « liberté » dans cette société, et certains ou certaines croient la vivre sans savoir ce que la « liberté », d’après les médias aux ordres, peut finalement vouloir dire [lire vive le pouvoir anarchique]. Quand on doute de cette « liberté » (des médias), certains nous sortent des exemples extrêmes de dictatures où sévissent des autoritaires assumés (mais ils oublient de faire le lien avec les élitocrates élus qui n’assument pas leur autoritarisme factuel capitaliste masqué derrière une certaine légalité libérale). On serait donc dans le meilleur des mondes « libre ». Et pourtant, il y a tellement de choses qui devraient les alerter sur cette soi-disant société « libre », comme par exemple les principes qui fondent cette société, notamment la « propriété privative« , la « hiérarchie sociale », le « capitalisme », l' »étatisme »… car ce sont pourtant ces principes autoritaires qui fondent une telle société ! mais par pur enchantement toute cette réalité disparaît dans le déni, tel un tabou dans une société dite « libre » !!! Mais comme le dit si bien Humpty-Dumpty : « Lorsque j’emploie un mot, il signifie exactement ce qu’il me plaît qu’il signifie… ni plus, ni moins. […] La question est de savoir qui est le maître… un point c’est tout.« .
On nous dit de ne pas oublier qu’on a le droit de nous exprimer par la parole ou par l’écrit (oui mais dans certaines limites ! et pas les meilleures), c’est oublier vite que l’expression en actes contre les principes autoritaires énoncés plus haut sont interdit en fait (avec des limites encore plus rude, qui feraient bien penser à une dictature qui ne dit pas son nom… mais pour eux c’est tabou, c’est vrai). Ils sont dans une sorte d’habitude à l’autoritarisme.
Quand on voit comment les États libéraux font pour faire semblant de protéger les lanceurs d’alertes puis de protéger aussitôt et réellement les secrets industriels des entreprises contre des personnes qui dénoncent des pratiques ou des projets funestes pour les libertés ou la vie des personnes. On peut vraiment douter des bonnes intentions de ces pratiques légales étato-capitalistiques, ceci à l’encontre des paroles libres de lanceurs d’alertes. Que sera un individu salarié face à une cohorte d’avocats bien financés et ayant en main des arguments légaux pour les faire taire ? Quant aux journalistes n’étant pas encore aux ordres des milliardaires, leurs sources sont régulièrement demandés ou extorqués par les États au nom du secret d’État. Que fera un journal si on le menace de ne plus exister ? Certains ou certaines diront : « oui mais, il y a internet ! »… Internet serait l’ultime outil de la liberté d’expression. On peut se poser des questions sur cet outil dont certains s’en font un monopole. Le commerce et le contrôle a vite pris le dessus sur le partage et la liberté qui existaient à ces débuts… internet et l’informatique a d’ailleurs permis un deuxième souffle au capitalisme. Capitalisme dont on voit la puissance autoritariste se mettre en place.
Le livre « contre-histoire d’internet (du XVé siècle à nos jours) » de Félix Treguer donne de riches arguments sur le sujet. On peut y lire une histoire de la censure très bien documentée concernant l’imprimerie puis internet. On y voit les aléas de la censure et comment elle a pu varier selon la pression sociale ou les intérêts des gouvernants ou du commerce. On y voit le dégoût des élites pour la « populace » (qui n’hésite pas à se moquer des puissants, dans les carnavals, les théâtres). Ça pose un comparatif intéressant sur le début de l’imprimerie et celui d’internet. L’espoir que cela a pu provoquer, les bouleversements de communications qui sont intervenues. Le contrôle des États sur les imprimeries, petit à petit, portant la charge de la censure aux imprimeurs. Malgré toutes les répressions, la diffusion s’est faite malgré les exigences des pouvoirs nationaux et religieux, diffusion devenant parfois incontrôlables malgré les purges. Même si il y a eu un relâchement de la censure durant la révolution française, elle est revenue par la fenêtre subrepticement. ça énonce également la censure lors des lois scélérates contre les anarchistes en France. On y apprend les débats autour des ordinateurs ayant eu cours au sein des divers mouvement politiques ou sociaux, notamment aux états-unis (au passage on y apprend que des anciens trotskystes collaboreront avec l’OSS puis la CIA ) et en Europe et plus particulièrement en France, le rejet de la technologie (par le groupe CLODO -PDF-) ou son accaparement social (…). De nombreuses actions de destruction matérielles d’ordinateurs apparaîtront de manière isolées. Les premiers réseaux apparaissent dans les années 70 au sein des armées ou des universités… puis cela évolue, se démocratise et devient l’internet dans les années 90’s. On apprend qu’il existait dans les milieux informaticiens hackers des groupements politique divers (dont des libertaires). La récupération de données sensibles par les réseaux fera son apparition durant ces 20 années, de nombreux chercheurs demandant la libéralisation de la cryptographie (interdite au public et réservé aux armées), dans les médias se déversera la nouvelle peur « des hackers » (en gros des illégalistes, voire des terroristes, voire des anarchistes). Les services secrets français infiltreront les milieux hackers et par des manipulations neutraliseront le milieu de manière importante (les anonymous auront droit plus tard à cette répression de basse intensité également). En d’autres lieux le commerce et la société de consommation fera son travail de sape et les réseaux libres (…) subiront aussi la répression légale. Certains maîtres actuels de l’internet (GAFAM… et fournisseurs d’accès) seront aidés par des États afin de devenir des monopoles centralisateurs de l’information, permettant en retour de devenir les surveillants et informateurs des États. Ce livre explique bien ce déplacement de la censure des mains des États vers ces plateformes et fournisseurs, qui définissent leurs propres règles de censures, et ceci sans visibilité des censures appliquées pour les populations et sans avoir le droit de connaître la raison des censures pratiquées, car au bon vouloir des plateformes/fournisseurs selon leurs CGU. Cette délégation de la censure de l’État aux plateformes privées ne devrait pas inquiéter, du fait que dans l’imprimerie, cela était déjà le cas et que les pouvoirs successifs n’ont pas résisté à la volonté d’émancipation des populations. Cependant, ce bas bruit de censure orchestré de manière fine sert évidemment à l’invisibilisation des censures, cela créé une censure incontrôlable par les populations mais contrôlé par l’État par l’intermédiaire des plateformes privées. Une vue assez globale de ce qui se trame aujourd’hui sur l’internet est posé dans ce livre. Une censure fourbe et privée s’est établie sans qu’il ne soit possible de les dénoncer, du fait qu’elles sont globalement cachées.
Actuellement, on peut dire que le web est désormais un outil économique, idéologique, politique structuré pour l’État et le capitalisme. Le web est contrôlé et organisé dans ce seul objectif uniquement. Il n’est pas question pour les États ni les capitalistes de laisser la parole ou la libre expression aux populations, ou alors seulement en marge. L’expression est organisé dans des « réseaux sociaux » monopolistiques, et par des moteurs de recherches monopolistiques, et ces réseaux ont des algorithmes d’influence enfermant les utilisateurs dans des communautés d' »intérêts ». Certains médias fonctionnent de la même manière. On nous ressort régulièrement la nécessité de contrôles d’internet par l’État ou par ses suppléantes plateformes privées, ceci pour nous protéger contre la pédopornographie ou le terrorisme. C’est logique, ils doivent contrôler les effets néfastes de leur société hiérarchique, plutôt que d’abolir les causes qui fondent leur société hiérarchique. Ils sont le poison et se pensent le remède.
L’idée même de vouloir être sur un internet libre et de partage, c’est à dire, sans contrôle d’État, sans commerciaux / escrocs / profiteurs, est une idée qui semble utopique désormais pour certains, hors cet internet existait avant et existe toujours (p2p, i2p, f2f, freedombox, …). Ce qui manque, à part des personnes libres prêtes à partager, c’est les moyens révolutionnaires qui vont permettre de se passer de l’État et de ses sbires. Ce n’est certes pas une mythique avant-garde d’un réseau de hackers (mythe largement entretenu dans les contes technophiles), ni des technophobes destructeurs, ni un quelconque gouvernement (idem), qui nous libérera de cette société là. Non, ce sont des travailleurs et travailleuses dans tous métiers (dont dans l’informatique), qui prendront en main les outils, d’une manière ou d’une autre, pour les dé-privatiser, les socialiser. Par exemple, des informaticiens organisés de manière discrète ou visible pour mettre fin (par l’expropriation des moyens d’existence), quand ce sera nécessaire, aux forfaits des États et des plateformes privées. Mais aussi la préparation de la société post révolutionnaire avec des plateformes de gestion des flux de production sans argent, partant des besoins réels (en minimisant les moyens techniques pour répondre à ces besoins primaires en priorité, la question du recensement des besoins réels devra se poser si il y a une volonté d’en finir avec cette société capitaliste). Ce système a rendu dépendant les populations aux réseaux et à l’informatique. Cela crée un problème écologique lourd avec des appareils très consommateurs en composants électroniques, en surconsommation de données numériques, impliquant une consommation électrique de plus en plus importante. Tout comme il faudra supprimer des métiers inutiles/haïssables, il faudra supprimer des usages inutiles/haïssables. Il y aura la nécessité de la socialisation de beaucoup de services répondant aux besoin essentiels de partage abolissant la marchandisation des moyens d’existence.
On sait qu’il y a une perte gigantesque d’énergie du fait de pratiques de concurrence inutiles et un individualisme de consommation pour des futilités. Avec des besoins recensés à la base et une production effectué selon ces besoins, peu d’énergie serait finalement nécessaire. Et au lieu de travailler toute la journée, 1 ou 2 heures par jour seraient suffisantes, un partage local ou mondial pourrait se faire sans entrer dans des technologies hyper consommatrices. D’un autre côté, l’informatique et internet permettent une coopération plus large dans le monde et un moyen plus simple pour communiquer avec le reste de la planète et résoudre des problématiques que les États ne peuvent pas résoudre (car ils en sont la cause). Mais avec la solidarité et l’entraide mise en acte par ce type de révolution sociale, les problèmes reviendront gérables à une échelle humaine.
Une autre solution serait de se passer d’internet ou des ordinateurs. Le CLODO a lancé cette idée et l’a mise en pratique en détruisant du matériel informatique. Avec les réseaux omniprésents dans nos lieux de travail ou d’existence, certains groupes de hackers radicaux considèrent de nos jours qu’il faut tout simplement couper les réseaux (les gros câbles mais aussi les minis) afin de remettre en lien la société avec elle même (?). Hors, se passer de l’informatique et ses réseaux pourrait être une bonne chose si il y avait un mouvement social émancipateur révolutionnaire. Il faudrait alors que les lieux d’existences et de travail soient pris en charge par les personnes y vivant pour en faire quelque chose de vivable, en partant des besoins réels. Le communisme anarchiste par la prise en main des lieux d’existence, dont ceux du travail, est le meilleur moyen pour en finir avec ce système avec un mode d’organisation et de décisions direct sans intermédiaires.
Certains s’extasient sur les nouvelles technologies pour faire perdurer leurs systèmes en décrépitude, comme si elles avaient un intérêt pour la plupart des populations. Les capitalistes aiment la cryptomonnaie et le copyright, les hiérarchistes aiment l’IA, les États aiment surveiller avec les innombrables outils qui leur sont donnés par les premiers (ceci afin de justifier cette société criminelle), etc… Mais quel intérêt pour la population ? aucun, il faudrait réellement ou numériquement supprimer la propriété privée, désarmer la hiérarchie sociale, abolir l’argent et l’État. Tout cela demande à s’organiser , à proposer l’idée et la pratique au quotidien, créer les mouvements allant dans cette direction. Et si c’est pas vous qui le faites, personne ne le fera à votre place.
Internet est peut-être un lieu d’expression +/- restreint, mais là où vous vivez et dans les lieux de travail c’est le lieu le plus important où on doit s’exprimer et agir.
Car sans nous il ne sont rien, mais sans eux nous sommes tout.
à nous l’avenir,
PM