Médias, informations et complots
La sur-médiatisation dont nous sommes tous témoins, peut soulever un grand nombre de questions et de pièges sur la compréhension des informations qui arrivent dans tous les sens.
Mais le fait de savoir si un média est objectif ou mensonger reste le même qu’à une époque où internet n’avait pas fait partie intégrante de notre environnement social.
Avant d’aborder le rôle des médias, il faut éclaircir quelques points.
Une information quelque soit son origine prend souvent la forme d’un « voilà ce que vous devez croire ». Il est donc crucial de faire la différence entre le fait et son interprétation.
Le fait :
Celui-ci doit être totalement objectif dénué de tout commentaire émotionnel ou relevant d’idées politiques et autres. Il faut donc trier dans l’information ce qui est sa « matière » brute. De là vérifier la source, vérifier ce que les connaissances actuelles, si cela est possible, peuvent en dire. Par exemple une des bases du complotisme est de dire que les tours du 11 septembre sont dû à un complot car il leur paraît « bizarre » qu’elles s’écroulent de la sorte. Mais la physique des matériaux nous apprend que c’est tout à fait logique et en accord avec son savoir. La science souvent, va à l’encontre du bon sens. Que la physique met à mal certains jugements rapides, c’est normal, la majorité d’entre nous n’est pas rodé à la science de haut niveau ni à traiter des questions relatives à d’immenses architectures. Il faut donc creuser le sujet vers l’ensemble des connaissances disponibles et vers les personnes compétentes, et non pas croire une personne sous prétexte qu’elle est convaincante ou encore qu’elle nous séduit à travers un écran, une conférence etc. C’est par le même cheminement qu’il est possible d’établir la fausseté d’une information.
Pour l’instant le « pourquoi » n’est pas abordé mais juste le « fait ». Ceci viendra dans un 2 ème temps où le « pourquoi » devra lui aussi être soumis à une recherche . En sachant que, par faute d’élément, il peut être sage de suspendre son jugement par manque de preuves. Il est sans aucun doute intéressant, au passage, de noter que des révolutionnaires comme Kropotkine et Bakounine, afin de combattre les croyances obscurantistes, défendaient la méthode hypothético-déductive communément appelé la méthode scientifique pour ce type de questionnements.
Ainsi il serait une erreur d’aller à l’encontre de ce que nous dit les sciences dites ‘dures’ ( physique, astronomie, biologie etc…) lorsque ces dernières font parties de la compréhension du fait.
La chose va se compliquer lorsqu’il s’agit d’aborder le fait sous son angle social. Quand bien même la méthode reste la même; le fait socialement compris contient un jugement de valeur et pour sa compréhension nécessite une interprétation afin de se forger une opinion sur le sens d’une conduite humaine.
L’ interprétation :
Celle-ci peut faire référence aux idées philosophiques, politiques et aux sciences humaines ( diverses psychologies, sociologies, anthropologies etc…) , toutes ces références peuvent déjà être discutées. Dans l’énoncé « Jean à tué son voisin » qui servira d’exemple, une interprétation religieuse (Dieu à puni le voisin ou encore Jean est possédé par un démon ) ne donnera pas la même chose qu’une interprétation rationnelle se basant sur un déterminisme social (Jean était sujet à la dépression suite à un licenciement, son acte avec le voisin est issu d’un ensemble de problèmes psychiatriques et sociaux). Comprendre n’est pas approuver ou condamner ; ici par rapport à nos postulats de départ il faut déjà ce méfier de mettre trop d’affectivité, pour éviter un jugement trop rapide qui passerait à coté d’éléments importants. Suite à cela on peut, si nécessaire, faire intervenir des jugements moraux. Eux aussi pouvant avoir diverses sources et peuvent mériter discussions.
Quand une imminente anarchiste tel qu’Emma Goldman participe des conférences pour parler de l’assassinat d’ouvriers qui se révoltaient, elle ne fait pas qu’appel au respect de la vie humaine, elle a une interprétation de ce fait allant à l’encontre des interprétations des journaux à la solde de la bourgeoisie, en les démontant points par points. En expliquant que les exploiteurs ne se gênent pas de massacrer les pauvres lorsque ceux ci remettent en cause leur domination fondée sur une injustice de classes sociales. Et elle constate ce fait suivant (certes qui fut déjà dit avant elle) en cas de révolte l’armée et la police sont les chiens de gardes au service du Capital.
Il est donc important de se doter de connaissances – les rechercher au besoin- afin de ne pas être victime d’opinions toutes faites. Ceci étant un gage d’autonomie.
Évidement si un individu recherche sur YouTube comment planter des choux, le sujet est de moindre importance, dépend avant tout de la biologie et du maraîchage, et il y a peu de chance pour que le youtubeur profite de sa médiatisation pour faire passer une information mensongère. Mais l’individu en question peut être sur ses gardes si le youtubeur cherche à placer des produits par exemple, pense-t-il sincèrement que ce produit est bon ou est-ce qu’il a un intérêt à promouvoir ce produit ?
Le rôle des médias:
Un média, qu’il soit sur papier, sur internet, à la télévision ou à la radio n’a qu’un but : la communication de masse. Il s’ensuit qu’il obéi à ses gestionnaires, qu’ils soient gérants, actionnaires, associatifs, gouvernements, partis politiques, même une bande de potes, etc. Le média sera dès le départ orienté soit en fonction d’idées (politiques, philosophiques, religieuses, idéologiques), à cela se rajoute généralement les intérêts économiques (faire du profit). Pour pouvoir mener à bien l’analyse d’une information, un critère essentiel doit être de chercher la qualité du travail fourni (sérieux, honnêteté, sélection des thèmes et leurs traitements).
Il est donc inutile d’espérer une critique du Capital par des capitalistes qui s’enrichissent via des journaux, au même titre qu’il est inutile de chercher des tracts anti-nucléaires sur le site d’Aréva !
Le traitement médiatique n’est pas obligatoirement binaire entre l’objectivité pur (à savoir si elle est possible dans la communication de masse) et la propagande de type Corée du Nord, il n’y a qu’un déplacement de curseur et non “tout bon-tout mauvais”. D’où l’importance des faits et de leurs interprétations afin de décortiquer tout types d’informations, sinon il y a acceptation soit de la propagande de l’émetteur soit de la propagande adverse selon ses présupposés personnels.
Il en va de même du Journaliste, il n’y a pas un comportement inné au journaliste qui serait un soumis intégral à sa hiérarchie ou à l’inverse un « héros » tel que nous le vend parfois le cinéma. Il y a des individus d’une profession : certains sont plus honnêtes que d’autres, ceux ci sont influencés par leur environnement et donc soit répondent à des valeurs, à une éthique personnelle, soit s’en foutent, soit obéissent, et la majorité se balance au milieu de tout ça au gré des événements et des mentalités de leur époque. Si dans le cadre d’une manifestation vous êtes amené à croiser des journalistes, tout dépendra du sujet de la manifestation, si la cause défendue est à l’opposé de la mentalité du journal ou des opinions générales ne dérangeant pas la bourgeoisie, vous pouvez être sûr que le journaliste ne vous fera pas de cadeau. Bien qu’il soit regrettable que ce dernier ne s’en tienne pas à son rôle de transmetteur d’informations objectives, c’est à dire transmettre un fait sans mettre son petit commentaire.
Actuellement il y a une fixette sur BFM tv cette chaîne ne vaut pas plus-pas moins que Itélé ou TF1, etc… Ceux qui prennent comme référence un supposé complotisme de BFM oublient que cette chaîne n’est pas là pour leur plaire, elle est là pour faire de l’audience, et en la choisissant comme ‘vilaine’ référence ils lui font de la pub, et trahissent qu’ils sont souvent devant… Cette chaîne sert non pas le gouvernement mais ses dirigeants, au besoin elle critiquera le gouvernement si tel est leur utilité.
Le souci à la télévision mais aussi sur internet est l’absence d’explications objectives au profit d’explications à la solde d’une morale souvent politique faisant appel à de l’émotionnel. On le voit bien lors des périodes électorales où de concert ils s’attaquent tous à l’abstentionnisme vu comme le mal absolu dans leur sacro-saint monde marchand, car il est vital pour le Capital et l’État que le spectateur se sente acteur avec son petit bulletin inutile.
Les médias comme tout le reste sous le Capital avec son régime ultralibéral s’accélérant, sont devenus des produits de consommation. Ceci ne signifie pas qu’ils sont pur mensonges, simplement les médias font aussi partie du spectacle-marchand, les médias sont aussi un divertissement.
Le choix de la forme plutôt que du contenu afin de plaire et de vendre. Là est l’erreur de celles et ceux qui s’imaginent un grand complot mondial avec les médias comme bras propagandiste, les actionnaires n’ont pas la peine de comploter pour une quelconque domination réfléchie en devenir, puisque leur domination passe par les parts de marchés, et ils font ce qui leur semble juste dans ce sens là; les grandes lignes ne sont pas cachées :
l’injustice du Capital est au grand jour, son fonctionnement aussi.
Ensuite, il y a bien des stratégies « secrètes » comme cela a toujours été dans le cadre militaire ou dans celui des échanges commerciaux, ici rien de neuf depuis des millénaires, ce n’est pas de l’ordre d’un Grand Complot Mondial au mille ramifications qui s’emboîteraient toutes (ici on touche la paranoïa), mais relève du calcul d’intérêt et de la mise en place d’un plan limité en temps et en lieu.
Pour prendre un exemple simple sur les croyances complotistes vis à vis des richissimes actionnaires: ils n’ont pas besoin de se mettre une capuche dans une cave obscure avec des rituels magico-ridicules, ils ont à leur disposition leurs propriétés (réunions dans les locaux de leurs entreprises ou en général leur capital immobilier) et les moyens de louer n’importe quelle salle dans n’importe quel hôtel luxueux du monde.
Certains pensent avoir trouvé leur salut médiatique sur YouTube ou les réseaux sociaux, mais le regard porté dessus doit être le même que pour les médias nationaux. Au milieu de délires qui ne tiennent pas 1 minute devant une analyse sérieuse, certains sont mieux fait (l’apparence). Mais que ce soit sur YouTube ou bien les opinions publiques que balancent monsieur Lambda sur facebook-twitter ; il faut établir le même critère d’exigence vis à vis des informations. Si une connerie dite par Lambda a moins d’importance qu’une chaîne vu des milliers de fois, cela ne signifie pas que Lambda n’est pas responsable des conneries qu’il véhicule .
Ceux qui passent leur temps devant Spoutnik ou RT (et bien d’autres) devraient être tout aussi vigilant que devant TF1 et BFM, puisque ces chaînes sur youtube obéissent au gouvernement russe, ce qui devrait réveiller le doute chez le spectateur. Idem les autres chaînes d’informations toutes soumises à une idéologie, une nation, un parti. Toutes ces chaînes de part leur origine idéologique et leur financement légal ou occulte ne peuvent pas être neutre. Ici encore on ne peut pas se passer d’un œil critique.
Pour conclure, la méfiance est de rigueur mais non la paranoïa.
La citation de Bakounine ci-dessous, touche juste face à la multiplication d’informations de toutes provenances dans une société aux images envahissantes :
Je n’ai de foi absolue en personne. Une telle foi serait fatale à ma raison, à ma liberté, au succès même de mes entreprises ; elle me transformerait immédiatement en esclave stupide et en un instrument de la volonté et des intérêts d’autrui.
BAKOUNINE -Dieu et l’État-
Torcy
2 réflexions sur « Médias, informations et complots »
Merci pour cet article.
Une petite remarque : je ne suis pas certain que le terme paranoïa soit adapté lorsqu’on parle complot ou conspi’.
La paranoïa renvoie davantage à un délire construit de persécution (souvent individuel), c’est un mal-être très violent qui pousse à faire des choix irrationnels voir à se mettre en danger. On ne retrouve pas ça chez la grande quantité de personnes qui peuvent croire en une ou plusieurs théories du complot. J’ai également l’impression qu’ils sont effectivement submergés par l’information et n’ont juste pas les outils pour se défendre.
Mais la paranoïa c’est autre chose. Dans mon cas par ex, ça c’est traduit par le sentiment d’être menacé directement par une partie de mes proches au point de me rendre malade, de me couper d’eux voir de faire des choses regrettables pour “essayer de le prouver”.
Je vois malgré tout que le terme “style paranoïaque” est utilisé par certains auteurs, je ne sais pas trop quoi en penser mais ça me semble douteux.
Merci pour ton commentaire.
Le texte ne dit pas qu’ils sont forcément parano mais qu’e leur opinions peuvent les conduire à cela.
Effectivement le mot “paranoïa” est à prendre au sens large qui tend vers un réflexe psychologique mais pas forcément de manière à devenir un malade au sens psychiatrique.
La paranoïa peut recouvrir différentes formes. Ici dans un cadre de complotisme, il y a tout de même cette idée de “persécution” de manière floue ( par exemple les juifs sont partout ou encore les croyances extra-terrestres “ils sont après moi”… ) en général et c’est ce qui est de forme paranoïaque c’est l’idée récurrente d’un groupe secret qui dirige tout, avec l’idée que tout ceux qui ne sont pas d’accord sont soi manipulé soit membre du Complot. Quand à la notion purement psychiatrique ( c’est à dire qui demande des soins), il y arrive que des adeptes de ces idées tombent dedans avec les symptômes que tu décris. Notons que “cas psychiatrique” signifie que la personne est directement dangereuse pour soi ou pour les autres, il peut très bien y avoir des comportements de tel ou tel types mais ne pas relever du champs médical.
En te remerciant cela à permis de préciser un peu.